Israël en proie au doute

Le 76e anniversaire de la création d’Israël, correspondant au 14 mai, fête venant après la Journée du souvenir, a été célébré en sourdine et à la va-vite, si pour l’essentiel les rites attachés à l’événement ont été accomplis dans les formes requises. Le fait est que les Israéliens n’ont pas le cœur à la fête […]

Mai 15, 2024 - 23:55
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Israël en proie au doute

Le 76e anniversaire de la création d’Israël, correspondant au 14 mai, fête venant après la Journée du souvenir, a été célébré en sourdine et à la va-vite, si pour l’essentiel les rites attachés à l’événement ont été accomplis dans les formes requises. Le fait est que les Israéliens n’ont pas le cœur à la fête depuis maintenant bientôt huit mois. La cérémonie dite d’allumage des flambeaux sur le mont Herzl, qui marque le passage d’une commémoration à l’autre, s’est déroulée sur un fond de protestation, ce qui ne s’est jamais produit. Mais plus significatif encore, cette cérémonie a été préenregistrée, une première pendant ces 76 ans d’existence. On craignait que la présence de Benyamin Netanyahou et de ses ministres ne provoquent l’ire des assistants, et que soit alors offert le sombre spectacle d’un gouvernement conspué en pleine fête d’indépendance. S’il est une chose qui aujourd’hui saute aux yeux quand on porte un regard sur Israël, c’est sa division à l’intérieur de ses rangs, notamment entre ceux qui veulent récupérer les captifs en premier lieu, et ceux pour qui il faut d’abord en finir avec la résistance palestinienne. Mais il suffit d’élargir son champ de vision pour constater qu’il n’est pas seulement divisé, qu’il est aussi isolé dans le monde. Sans doute est-ce la guerre qui l’a à la fois divisé et isolé.

Mais c’est paradoxalement elle aussi qui en se poursuivant l’empêche de sombrer dans la crise politique et le désordre qui lui est inhérent. Le gouvernement en place ne tarderait pas à tomber si elle se terminait. Et encore, dans ce cas, il est supposé que ce serait par la victoire d’Israël. Car si en plus il devait perdre, ce n’est pas seulement dans la crise politique, la plus violente et la plus coûteuse de toutes celles qui menacent un système politique, qu’il sombrerait mais dans une maladie dont probablement il ne se relèverait plus. Israël sait qu’il ne survivra pas à une première défaite. C’est-à-dire qu’il sait ne pas former une nation véritable. Tout pays, tout peuple, a droit à la défaite, même à plusieurs au cours de son histoire. Il se trouve que ce droit-là, justement, Israël n’en jouit pas. Il est condamné à remporter toutes les guerres qui se présentent à lui. L’issue finale de celle qu’il livre aujourd’hui, non pas d’ailleurs contre un Etat constitué mais contre des groupes de combattants, est encore incertaine. Elle qui pourtant a par sa longueur dépassé toutes celles qu’il a eu à mener, et qu’il a remportées, autrement il ne serait pas là aujourd’hui à vouloir sortir vainqueur de Ghaza. Qui n’a pas le droit à la défaite n’a pas non plus celui d’être tenu en échec dans un conflit quel qu’il soit. Il doit toujours vaincre et vite. Ce n’est pas ce qui arrive aujourd’hui à Israël. Il n’a pas encore perdu à vrai dire, au sens où il devrait par exemple battre en retraite, sortir de Ghaza pour épargner la vie de ses soldats, tout en laissant derrière lui ses captifs. Mais il n’a pas gagné non plus, ce qu’il pourrait affirmer en revanche s’il avait libéré les siens et liquidé les figures de la résistance. Quand le cœur de quelqu’un ou d’une collectivité est rongé par le doute, ce qui est le cas aujourd’hui d’Israël, il a beau faire, cela lui transpire par tous les pores. Il a beau faire le bravache, parler en futur vainqueur, puisqu’il ne l’est pas dans le présent, cela sonne toujours faux. Israël n’a plus le cœur à rien, maintenant que huit mois après avoir connu la plus grande défaite de son histoire, il n’a toujours pas rétabli son pouvoir de dissuasion.

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