La guerre reprend de plus belle à Jabalia… et ailleurs

Quand il arrive qu’Américains et Israéliens soient en désaccord, ce n’est jamais pour que leur différend aille s’approfondissant, jusqu’à par exemple rendre envisageable une rupture, mais toujours pour que leur entente fondamentale retrouve rapidement ses droits. Le jour où l’on verra leur relation s’altérer de façon irréversible n’est pas encore arrivé, à supposer qu’il advienne un jour. Il faudrait pour cela d’ailleurs que l’Amérique ne soit plus l’Amérique, du moins telle qu’elle existe depuis plusieurs décennies, et qu’Israël ne soit plus ce qu’il est depuis qu’il existe. Ces derniers temps pourtant, il a semblé que l’administration Biden était disposée à prendre des sanctions contre son meilleur allié au Moyen-Orient, dans le cas où ce dernier passant outre ses avertissements répétés se lançait dans grande offensive sur Rafah. Notons bien qu’en l’occurrence le différend n’est pas sur une opération dans Rafah, mais sur la dimension qu’elle est susceptible de revêtir. Si elle est limitée, Washington n’y trouverait rien à redire. Elle serait mécontente par exemple dans le cas contraire. Mais que veut dire dimension en l’occurrence ? Qu’est-ce qui ferait que celle-ci est grande ou petite ? A cette question, une seule réponse : le nombre de civils palestiniens tués ou blessés. S’il est trop important, l’offensive est d’envergure.

Elle est en revanche de petite envergure, si ce nombre n’est pas trop élevé, c’est-à-dire au point de vue américain, qu’il est comparable au nombre moyen de civils tués ou blessés par jour depuis le début de la guerre. On estime ce nombre à quelques dizaines par jour. Si avec l’offensive sur Rafah, il se trouvait nettement accru, alors cela déplairait beaucoup aux Américains, qui se verraient obligés à ce moment de prendre des sanctions contre Israël, c’est-à-dire qu’ils mettraient à exécution la menace de ne pas l’approvisionner en bombes très meurtrières. Ce qui signifie que même dans ce cas, ils continueraient de lui fournir d’autres bombes, mais qui elles seraient meurtrières seulement, pas très ou trop meurtrières comme les premières. C’est en effet avec les armes américaines qu’Israël massacre les Palestiniens de Ghaza depuis le 7 octobre. Il en sera de même jusqu’à la fin, si fin il y a, ce qui n’est pas encore évident. Le massacre en grand qu’Israël n’a pas encore commis à Rafah, faute de consentement américain, il est aujourd’hui même en train de s’y adonner dans le camp de Jabalia, au nord de la bande de Ghaza, où il a été attiré par la résistance, qui lui fait subir à ce niveau plus particulièrement de lourdes pertes. Dans la journée de dimanche, Israël a reconnu avoir évacué 50 de ses soldats abattus par la résistance, un chiffre de pertes quotidiennes jamais atteint auparavant. On peut penser que lorsque Israël parle de 50 de ses soldats touchés, c’est qu’il y en a plus, peut-être même le double. A Jabalia, qui plus est, l’initiative n’est pas de son fait lui mais de celui de la résistance, telle est la nouveauté. Son intention était de lancer l’offensive finale au sud de Ghaza, soi-disant pour détruire ce qu’il reste de forces au Hamas, or voilà qu’il est harcelé simultanément dans plusieurs endroits de Ghaza par une résistance qui retrouve du poil de la bête, aujourd’hui plus que jamais efficace. Israël avait commencé la guerre par une défaite stratégique, celle du 7 octobre. Il est aujourd’hui empêtré dans tout Ghaza avec le risque qu’il en sorte avec une défaite tout court. Ce qui le cas échéant serait pour lui le début de la fin.