Les nouvelles urgences du Hezbollah

Il va de soi que depuis la liquidation de quelques-uns de ses chefs, leur nombre ne pouvant pour l’heure être connu avec précision, encore qu’il ne semble pas qu’il faille parler en l’occurrence d’une véritable décapitation, en dépit de la perte de Hassan Nasrallah, la priorité du Hezbollah n’est pas tant de riposter à Israël que de se réorganiser et vite. Il importe en premier lieu pour lui de se donner un nouveau chef, ce qui a priori ne semble pas une tâche difficile, sachant que le successeur dans une organisation de cette nature est souvent déjà désigné, même si son intronisation passe par une procédure spécifique. Ce peut être le membre de la direction qui venait en deuxième position dans l’organigramme, et qui déjà occupe à titre intérimaire les fonctions du dirigeant disparu, à savoir Naïm Qassem. Mais le consensus général peut au bout du compte se porter sur quelqu’un d’autre. L’autre urgence, à supposer qu’elle ne soit pas la première de toutes, est de combler la faille sécuritaire au travers de laquelle Israël est parvenu en une semaine à liquider plusieurs chefs militaires, en même temps qu’un nombre substantiel de membres du parti, en faisant exploser pagers et talkies-walkies dans leurs mains ou dans leurs entourages.

La réunion convoquée au quartier général et qui devrait être présidée par Hassan Nasrallah avait vraisemblablement pour objet la discussion sur ce qu’il y avait lieu de faire dans l’immédiat pour échapper aux frappes ciblées. On ne peut s’empêcher ici de signaler que probablement c’était une grande imprudence de la tenir dans un lieu sûrement connu depuis longtemps des services de renseignement israéliens. Ainsi donc, désigner un nouveau secrétaire général, se réorganiser en profondeur de façon à échapper à la surveillance d’Israël, autant de tâches internes à mener d’autant plus rapidement que la guerre pour sa part n’attend pas. On saura que le Hezbollah a trouvé la parade aux assassinats ciblés lorsque ceux-ci auront cessé. Et on saura que les informateurs, ou les traîtres s’ils sont à l’intérieur de l’organisation, sont toujours sur la brèche si par contre les assassinats se poursuivent. S’agissant maintenant du côté israélien, on sait que Benyamin Netanyahou a qualifié l’assassinat de Nasrallah de tournant dans la guerre, en harmonie ce disant avec son opinion interne, qui bien sûr le voit d’un meilleur œil. On peut le constater dans ceci que depuis que les bombardements sur le Liban ont commencé, il n’est plus question dans les médias des manifestations demandant que la libération des captifs à Ghaza soit l’urgence absolue. Ce mouvement est comme pétrifié, victime collatéral des succès remportés contre le Hezbollah. On peut faire une concession à Netanyahou, reconnaître qu’en effet un tournant est pris dans la guerre, qui culmine dans la mort de Nasrallah mais qui cependant ne s’y réduit pas. Le vrai tournant, c’est que le front libanais, qui était jusqu’à ces derniers jours un front secondaire par rapport à celui de Ghaza, a pris le pas sur celui-ci. Les deux ont interverti leurs rôles. C’est maintenant le Hamas qui soutient le Hezbollah, pour qui les choses sérieuses viennent en effet juste de commencer. Si tuer les chefs du Hezbollah constituait le critère de la victoire pour les Israéliens, ceux-ci seraient en droit de se féliciter de la tournure prise par les événements. Seulement voilà, ce critère est ailleurs. Il est dans le retour des colons du nord dans leurs maisons et à leurs occupations. Et ça, c’est une tout autre affaire.