Netanyahou dans une situation intenable

Dans quel pays en guerre verrait-on le ministre de la Défense dire ouvertement tout le mal qu’il pense du chef du gouvernement dont lui-même est membre, et reconnaître sans ambages qu’en effet c’est lui, ce chef de gouvernement, qui empêche la conclusion d’un accord permettant la libération de détenus aux mains de l’ennemi ? Dans […]

Aou 13, 2024 - 20:45
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Netanyahou dans une situation intenable

Dans quel pays en guerre verrait-on le ministre de la Défense dire ouvertement tout le mal qu’il pense du chef du gouvernement dont lui-même est membre, et reconnaître sans ambages qu’en effet c’est lui, ce chef de gouvernement, qui empêche la conclusion d’un accord permettant la libération de détenus aux mains de l’ennemi ? Dans aucun pays, sauf en Israël, du moins dans Israël tel qu’il se présente aujourd’hui, à plus de dix mois d’une guerre qu’il ne parvient pas à gagner, ce qui ne lui est jamais arrivé. S’exprimant lundi devant une commission de la Knesset, Yoav Gallant n’y est pas allé par quatre chemins, mais au contraire droit au but. C’est ainsi qu’il a affirmé tout net que c’est bien Israël qui depuis le début des négociations indirectes entre lui et le Hamas qui était responsable de la non-conclusion d’un accord devant conduire à la libération des prisonniers israéliens dans Ghaza, et que le langage sur une victoire absolue en l’occurrence était dépourvu de sens commun. Gallant n’a pas nommé Benyamin Netanyahou, mais évidemment il s’est arrangé pour ne laisser aucun doute sur l’identité du responsable de la situation actuelle de ni victoire ni défaite.

En principe, après avoir tenu de tels propos sur le chef du gouvernement, un ministre présente sa démission, ou du moins est certain d’être démis dans les heures et même les minutes qui suivent. Le bureau de Netanyahou a émis un communiqué dans lequel il est fait reproche au ministre dissident de reprendre à son compte le «narratif» de l’ennemi, mais où il n’est pas question de le limoger. Sans doute n’est-ce pas la première fois que Gallant exprime son opposition à Netanyahou, otage de ministres partisans déclarés de la solution finale à l’encontre de la population non seulement de Ghaza mais également de Cisjordanie. Mais c’est la première fois qu’il le fait en des termes aussi peu respectueux pour Netanyahou. Il s’en serait bien gardé s’il ne savait pas qu’une moitié des Israéliens est sur la même position que lui, c’est-à-dire qu’il importe d’abord de faire libérer les captifs, avant de se lancer dans une guerre visant à l’éradication du Hamas. Or il n’y a pas que cette moitié des Israéliens qui soit d’accord avec lui, il y a aussi l’administration Biden qui pousse dans la même direction, non pas seulement parce c’est là le choix de la raison, mais parce qu’elle a besoin de cet accord également pour elle-même, et pour son camp, dans l’optique de l’élection présidentielle de début novembre. Tout se passe donc comme si l’armée israélienne et les Etats-Unis désespérant de Netanyahou ont décidé de lui forcer la main, quitte pour cela à faire tomber son gouvernement. Netanyahou lui personnellement s’en trouve plus que jamais pris entre deux feux, d’un côté celui provenant de sa droite, emmenée par les inénarrables Ben-Gwir et Smotrich, et de l’autre celui qui vient des forces armées représentées par son ministre Gallant. Combien de temps pourrait-il tenir encore ? Il ne semble pas que ce soit pour longtemps. Dans ce contexte, même la menace d’attaques proférée par l’Iran et ses alliés, en réponse aux derniers assassinats commis par Israël, au lieu de provoquer une levée de boucliers faisant rempart autour de lui, a pour effet de l’isoler davantage, en rendant encore plus nécessaire cet accord qu’aux dires mêmes de son ministre de la Défense il s’est ingénié à faire capoter.

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