Travaillistes

Dans la sphère politique, les gauches à travers le monde ne sont pas toutes les mêmes. Il arrive même que les socialistes d’un pays tiennent des discours considérés de droite dans une contrée voisine. C’est notamment le cas en Europe où les programmes diffèrent foncièrement selon les pays. En France, alors que les socialistes se sont alliés à l’extrême-gauche à l’occasion des élections législatives, un peu plus loin en Europe, au Danemark, l’on tient un discours des plus fermes sur l’immigration, n’hésitant pas à délocaliser les demandeurs d’asile qui sont envoyés au Rwanda. Et si la semaine dernière beaucoup se félicitaient de la victoire des travaillistes au Royaume-Uni, notamment les socialistes français, ils omettent de préciser que le programme du Labour comporte plusieurs mesures qui auraient fait hurler au Nouveau Front Populaire mené par La France Insoumise. Notamment : la construction de centrales nucléaires, augmentation du budget de l’armée, augmentation des effectifs policier, soutien à Israël et réduction de l’immigration. Ce dernier point est d’ailleurs considéré comme particulièrement important par plusieurs figures historiques du parti, à l’instar de Tony Blair. L’ancien Premier ministre travailliste a en effet conseillé hier au nouveau Premier ministre de son camp, Keir Starmer, de préparer «un plan pour contrôler l’immigration», l’une des préoccupations principales des Britanniques ayant contribué à la montée du parti Reform UK aux législatives. Dans une tribune publiée par le Sunday Times, Tony Blair énumère ses «conseils» à Keir Starmer et dresse un parallèle avec la situation en France et en Italie. L’ancien Premier ministre (1997-2007), resté discret durant la campagne électorale, avertit que le parti anti-immigration et anti-système Reform UK «pose un défi au Labour aussi», même s’il a surtout pris des voix aux conservateurs. Si les travaillistes ont remporté une très large victoire aux élections législatives de jeudi dernier, Reform UK a séduit plus de 14 % des électeurs, faisant son entrée au Parlement avec cinq députés dont son chef, la figure de la droite dure Nigel Farage. «Les sujets culturels, autant si ce n’est plus que les sujets économiques, sont au cœur de ce vote», estime Tony Blair. Sur ce point, «la politique britannique a beaucoup en commun avec la politique européenne» où les partis politiques traditionnels «subissent une déstabilisation», estime-t-il en citant l’exemple de la France et de l’Italie. Tony Blair estime ainsi que le pays «a besoin d’un plan pour contrôler l’immigration», d’une «nouvelle approche stricte» en matière de sécurité et de justice et qu’il «devrait éviter toute faiblesse sur le ’’wokisme’’». Tony Blair, qui dirige notamment désormais un influent think tank, fait également dans sa tribune l’éloge de l’intelligence artificielle dans laquelle il voit en particulier un outil idéal pour lutter contre l’immigration illégale. Il plaide aussi pour l’introduction d’une carte d’identité numérique pour les Britanniques, pour «que nous sachions précisément qui a le droit d’être ici». Une possibilité que le ministre du Commerce Jonathan Reynolds n’a pas totalement écartée. Invité pour porter la parole du gouvernement dans les médias hier, il a affirmé que la ministre de l’Intérieur, Yvette Cooper, et ses services «examineront toute sortes d’idées» pour contrôler l’immigration. Afficher vouloir faire en sorte de sortir le pays de la crise économique dans laquelle est embourbé le pays vaut d’ailleurs déjà aux travaillistes d’être qualifié de «traîtres» par l’extrême-gauche britannique. Ainsi, très loin de la gauche française ou encore espagnole, la gauche britannique semble se focaliser sur les moyens de rendre la vie des citoyens de leur pays plus facile à vivre plutôt que de s’accrocher à des idéaux qui leur font non seulement perdre des voix, mais qui ont du mal à être retranscrits dans la vie réelle des britanniques.