PIB : l’Algérie devrait dépasser le Nigeria malgré une population 4 fois inférieure

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Sep 4, 2024 - 12:30
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PIB : l’Algérie devrait dépasser le Nigeria malgré une population 4 fois inférieure

Une analyse d’Ilyes Zouari(*) – Bien que désavantagée par une population largement moins nombreuse, l’Algérie devrait réaliser l’exploit de dépasser le Nigeria en matière de PIB nominal dès cette année, selon les dernières prévisions du FMI. Toutefois, un éventuel passage à l’anglais pourrait entraver la poursuite du décollage économique du pays, en le faisant basculer dans la zone linguistique globalement la moins dynamique économiquement du continent, et en le coupant de la vaste et voisine Afrique francophone.

Selon les dernières prévisions du FMI, l’Algérie devrait afficher un PIB nominal de 266,78 milliards de dollars en 2024, contre 252,74 milliards pour le Nigeria, qui rétrograderait ainsi à la 4e position sur le continent. Une grande performance pour l’Algérie, étant donné que l’avantage démographique du Nigeria est de nature à augmenter mécaniquement son PIB, qui devrait ainsi être considérablement supérieur. En effet, et à niveau de développement égal, une population par exemple deux fois plus nombreuse implique automatiquement une activité économique deux fois plus importante, se manifestant par un nombre environ deux fois plus élevé de boulangeries, de cordonniers, ou encore de pompes funèbres… ce qui double automatiquement le PIB total. Une réalité qui place systématiquement les pays très peuplés en bonne position dans les classements internationaux en la matière, même s’ils sont moins développés et moins dynamiques économiquement que leurs voisins.

Une plus grande attractivité et de meilleurs indicateurs socio-économiques

La performance de l’Algérie, qui devrait d’ailleurs creuser l’écart avec le Nigeria au cours des deux prochaines années, selon le FMI, est donc d’autant plus exceptionnelle que le pays est quatre fois moins peuplé, avec une population de 47 millions d’habitants début 2024, contre, très probablement, un maximum de 190 millions pour le Nigeria. En effet, il convient de souligner que la population réelle du Nigeria n’est certainement pas d’environ 230 millions d’habitants, comme l’indiquent les chiffres officiels, mais bien en deçà comme le démontrent de nombreuses études réalisées au Nigeria même, et se basant sur de nombreux indicateurs, comme le nombre de votants aux élections, de téléphones portables en circulation, de véhicules vendus par année, ou encore sur des images satellitaires des grandes agglomérations du pays. L’ancien président du Nigeria Jonathan Goodluck avait d’ailleurs lui-même déclaré au mois d’avril de l’année dernière, soit huit ans après avoir quitté ses fonctions, que la population réelle du pays n’était probablement que d’environ 150 millions d’habitants. Un écart considérable qui fait du Nigeria le seul et unique pays au monde publiant des données démographiques officielles aussi éloignées de la réalité, et qui se répète depuis l’indépendance du pays il y a plus de six décennies (une singularité ayant pour origine la farouche concurrence politique entre le nord et le sud du pays, chacune des parties cherchant à gonfler sa population).

Cette grande performance de l’Algérie ne fait que refléter une économie bien plus développée qu’au Nigeria, et s’appuyant notamment sur des secteurs industriel et tertiaire plus denses et dynamiques. De même, l’Algérie a récemment – et enfin – mis en place une vaste politique de diversification dans le but de sortir progressivement de sa dépendance aux hydrocarbures, qui représentent encore environ 90% des exportations nationales, comme d’ailleurs au Nigeria (les deux pays ayant une production globalement comparable en hydrocarbures, le Nigeria étant le premier producteur africain de pétrole et le troisième pour le gaz naturel, et l’Algérie le premier pour le gaz naturel et le quatrième pour le pétrole). Une politique de diversification qui s’appuie sur des investissements publics et privés algériens, mais désormais également sur des investissements étrangers, parfois massifs et notamment à travers la signature récente de nombreux contrats avec des entités publiques ou privées issue à de puissances émergentes, et souvent membres des Brics (dans l’agriculture, l’industrie agroalimentaire, la production d’engrais, les industries textiles, minières…). Des investisseurs attirés par la stabilité du pays et par un environnement globalement de plus en plus favorable aux affaires.

Cette attractivité grandissante fait justement défaut au Nigeria, où les nouveaux investissements étrangers hors hydrocarbures sont désormais négligeables, et qui a même été déserté par une bonne partie des grandes entreprises étrangères historiquement présentes dans le pays. Une désaffection qui s’explique par un climat globalement assez défavorable aux investisseurs, aussi bien étrangers que nationaux, et résultant d’un très haut niveau de corruption et d’insécurité. En effet, le pays se place à la 145e place mondiale dans le dernier Indice de perception de la corruption, publié par l’ONG Transparency International en mars dernier (assez loin derrière l’Algérie, qui occupe la 104e place, soit presque dans la «moyenne mondiale»), et enregistre chaque année un nombre très élevé d’agressions diverses (vols, kidnappings, homicides, attentats terroristes au nord-est…).

La gouvernance globalement meilleure en Algérie, et contrastant avec la situation prévalant depuis de nombreuses années au Nigeria, se traduit notamment par de bien meilleurs indicateurs socio-économiques, comme au niveau de l’inflation, de l’électrification ou encore de l’espérance de vie. En effet, le taux d’inflation annuel sur la décennie de 2014-2023 s’est établi à seulement 5,4% en Algérie, alors qu’il atteint non moins de 14,6% au Nigeria (et même 24,7% en 2023). Un niveau très élevé qui s’explique partiellement par l’effondrement constant de la monnaie nigériane, dont l’évolution ne fait en réalité que refléter la santé économique réelle du pays, et dont la valeur a été divisée par non moins de 2 417 par rapport au dollar américain depuis sa création en janvier 1973. Sur la même période, la valeur du dinar algérien a été divisée par 34 (soit une dépréciation assez importante, mais tout de même 71 fois moins forte que pour le naira…).

Quant au taux d’électrification, celui-ci a atteint 100% de la population de l’Algérie en 2022, selon les dernières données de la Banque mondiale, contre seulement 60,5% au Nigeria. Par ailleurs, ce dernier affiche le troisième plus faible niveau au monde d’espérance de vie, estimée à 53,6 années en 2022, contre 77,1 pour l’Algérie (soit un niveau comparable à celui de plusieurs pays développés membres de l’Union européenne). De même, le Nigeria affiche le troisième plus haut taux de mortalité infantile au monde, avec 68,5 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2022, contre 18,7 en Algérie (niveau toutefois presque deux fois plus élevé qu’en Tunisie).

Un décollage économique menacé par un éventuel passage à l’anglais ?

Au moment où l’Algérie commence enfin à décoller économiquement, et donc à rattraper son retard par rapport à ses voisins francophones du Maghreb, certaines voix s’élèvent pour demander un remplacement du français par l’anglais, en tant que première langue étrangère du pays. Or, un éventuel passage à l’anglais pourrait freiner le développement économique du pays et nuire considérablement à ses intérêts supérieurs, en le faisant basculer dans la zone linguistique globalement la moins dynamique économiquement du continent, et en le coupant de la vaste et voisine Afrique francophone.

En effet, l’Afrique francophone, bien plus étendue que ce qu’indiquent la plupart des cartes géographiques en circulation (qui divisent par deux ou trois la taille du continent africain), est globalement la partie économiquement la plus dynamique du continent, la plus industrialisée, la moins endettée, la moins touchée par l’inflation, mais aussi la moins frappée par les inégalités (seulement deux pays francophones parmi les dix pays africains les plus inégalitaires, selon l’indice Gini, et se classant à partir de la neuvième place), la corruption, la violence et les conflits (comme on le voit actuellement au Soudan, où la guerre civile a déjà fait, en une seule année, plus de victimes que les troubles observés dans toute l’Afrique de l’Ouest francophone depuis les indépendances, il y a plus de 60 ans, ou encore comme on l’a vu en Ethiopie, où la guerre civile achevée en novembre 2022 a fait bien plus de victimes en seulement deux années qu’il n’y en a eu dans toutes les anciennes colonies françaises d’Afrique subsaharienne depuis leur indépendance également !).

A titre d’exemple, l’Afrique subsaharienne francophone, vaste ensemble de 22 pays, a réalisé en 2023 le niveau de croissance économique le plus élevé d’Afrique subsaharienne pour la dixième année consécutive et la onzième fois en douze ans, selon les dernières données de la Banque mondiale (qui confirme la tendance pour cette année 2024), et a enregistré un taux de croissance annuel de 3,9% sur la période décennale 2014-2023, contre seulement 2,0% pour le reste de l’Afrique subsaharienne (soit un rythme inférieur même à sa croissance démographique). Quant à l’inflation, celle-ci a globalement été bien plus faible dans ce vaste ensemble (4,1% sur la dernière décennie, contre 17,2% pour le reste de l’Afrique subsaharienne), tout comme l’endettement qui demeure davantage maîtrisé (51,3% du PIB fin 2023, contre 67,1% selon les dernières données du FMI, et seulement deux pays francophones parmi les dix pays les plus endettés du continent). Une différence que l’on observe également en Afrique du Nord, avec un endettement plus faible dans les pays francophones du Maghreb qu’en Egypte (où il atteint 95,9% du PIB fin 2023), et une inflation bien moins élevée du côté francophone.

Ce dynamisme s’est notamment traduit par le fait que la Côte d’Ivoire a réussi l’exploit de devenir le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest continentale, malgré une production pétrolière environ 50 fois moins importante que celle du Nigeria au cours de la dernière décennie, et malgré des productions pétrolière et aurifère six fois et trois à quatre fois moindres que celle du Ghana voisin. Un dynamisme supérieur que l’on observe également au Sénégal et au Cameroun, qui viennent, eux aussi, de réussir l’exploit, en 2023, de dépasser le Nigeria en PIB par habitant, en dépit d’une production pétrolière 20 fois moindre pour le Cameroun au cours de la décennie 2014-2023, et tout simplement inexistante au Sénégal (qui n’a intégré le cercle des pays producteurs d’hydrocarbures que cette année).

Ainsi, un éventuel passage à l’anglais pourrait gravement nuire aux intérêts économiques de l’Algérie, mais également à ses intérêts géopolitiques, en réduisant notamment et à terme son influence historique dans la région du Sahel. Au lieu d’abandonner la langue française, les intérêts supérieurs de l’Algérie et de son peuple commandent plutôt d’ajouter et de généraliser l’apprentissage de la langue anglaise en tant que seconde langue étrangère obligatoire. L’apprentissage du français en premier n’empêche guère de maîtriser une deuxième langue étrangère, alors que l’expérience démontre clairement que l’apprentissage de l’anglais en premier est généralement de nature à empêcher la maîtrise d’une seconde langue étrangère.

I. Z.

(*) Président du Centre d’étude et de réflexion sur le monde francophone (CERMF)

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