Melilla/migration: des responsables espagnols livrent leurs témoignages sur le massacre commis par les autorités marocaines

MADRID - Les autorités marocaines ont commis un "massacre" et des "erreurs de calcul" le 24 juin 2022 en réprimant de manière sanglante des migrants africains tentant d'accéder à l'enclave espagnole de Melilla, indiquent unanimement trois responsables espagnols qui ont décidé de rompre le silence en s'exprimant dans la presse. Un responsable des services de renseignement espagnols (CNI), un cadre du ministère de l'Intérieur et un fonctionnaire de la Guardia civil (gendarmerie espagnole) ont décidé de livrer leurs témoignages sur ce qui s'est passé lors du tristement célèbre massacre de Melilla en s'exprimant dans le journal espagnol Publico mais également auprès de la fondation PorCausa qui mène des recherches liées au traitement de la question migratoire par les médias. Les trois responsables qui ont préféré garder l'anonymat "afin d'éviter de subir des représailles", ont parlé d'une même voix pour pointer "les erreurs" des autorités marocaines lors de la gestion de ce tragique épisode et qui ont entrainé un véritable massacre. Pour les responsables en question, l'une des erreurs de calcul commises par les autorités marocaines était le fait d'avoir voulu à tout prix avoir une bonne image auprès du gouvernement espagnol en tentant de montrer qu'elles avaient la totale maîtrise du passage vers l'enclave et qu'elles étaient capables d'empêcher les migrants de le franchir. "Le massacre a eu lieu un an après la crise diplomatique entre Madrid et Rabat, coïncidant avec un autre moment historique pour la frontière sud : la crise de Ceuta du 17 mai 2021, au cours de laquelle les forces marocaines ont facilité l'entrée de plus de 10.000 personnes dans cette ville autonome en quelques heures", indiquent les trois responsables. Une année plus tard, le Makhzen a voulu prouver, d'une certaine manière, que le gouvernement espagnol pouvait compter sur lui pour les questions migratoires. Et c'est d'une manière sanglante qu'il le fera. "Le Maroc n'a mené aucune enquête indépendante et a déclaré que 23 migrants au total étaient morts (lors du massacre de Melilla NDLR). Plusieurs organisations estiment ce chiffre entre 37 et plus de 100 morts. Au moins 77 familles ignorent toujours où se trouvent leurs enfants, selon l'Association marocaine des droits humains (AMDH). Elles ne savent même pas s'ils sont vivants ou morts", rappelle la même source. L'autre erreur commise par les autorités marocaines était de ne pas prendre en considération le fait que la plupart des migrants regroupés ce 24 juin 2022 à la frontière, venaient du Soudan et non de pays subsahariens voisins qui se repliaient habituellement sous la pression des gendarmes marocains. Les Soudanais, eux, n'avaient pas de zone de repli proche.  Selon le responsable du CNI, les gendarmes marocains sont allés trop loin dans le harcèlement des migrants avant le drame, n'hésitant pas à leur confisquer leur nourriture. "Les Marocains ont harcelé les migrants pendant des jours, leur retirant le riz dont ils se nourrissaient et l'eau", précise-t-il. Le fonctionnaire de la Guardia civil confirme, quant à lui, le récit d'un photographe espagnol qui aurait vu un membre des services de sécurité marocains franchir la frontière espagnole pour obliger, à coup de matraque, un migrant à revenir au territoire marocain. Plus loin, d'autres agents ont "lancé une pluie de bombes lacrymogènes" dans des zones fermées transgressant la réglementation internationale en usage. Un excès de zèle et une violence qui expliquent largement que l'irréparable ait été commis ce 24 juin à la frontière entre l'Espagne et le Maroc.  

Jun 24, 2024 - 20:35
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Melilla/migration: des responsables espagnols livrent leurs témoignages sur le massacre commis par les autorités marocaines

MADRID - Les autorités marocaines ont commis un "massacre" et des "erreurs de calcul" le 24 juin 2022 en réprimant de manière sanglante des migrants africains tentant d'accéder à l'enclave espagnole de Melilla, indiquent unanimement trois responsables espagnols qui ont décidé de rompre le silence en s'exprimant dans la presse.

Un responsable des services de renseignement espagnols (CNI), un cadre du ministère de l'Intérieur et un fonctionnaire de la Guardia civil (gendarmerie espagnole) ont décidé de livrer leurs témoignages sur ce qui s'est passé lors du tristement célèbre massacre de Melilla en s'exprimant dans le journal espagnol Publico mais également auprès de la fondation PorCausa qui mène des recherches liées au traitement de la question migratoire par les médias.

Les trois responsables qui ont préféré garder l'anonymat "afin d'éviter de subir des représailles", ont parlé d'une même voix pour pointer "les erreurs" des autorités marocaines lors de la gestion de ce tragique épisode et qui ont entrainé un véritable massacre.

Pour les responsables en question, l'une des erreurs de calcul commises par les autorités marocaines était le fait d'avoir voulu à tout prix avoir une bonne image auprès du gouvernement espagnol en tentant de montrer qu'elles avaient la totale maîtrise du passage vers l'enclave et qu'elles étaient capables d'empêcher les migrants de le franchir.

"Le massacre a eu lieu un an après la crise diplomatique entre Madrid et Rabat, coïncidant avec un autre moment historique pour la frontière sud : la crise de Ceuta du 17 mai 2021, au cours de laquelle les forces marocaines ont facilité l'entrée de plus de 10.000 personnes dans cette ville autonome en quelques heures", indiquent les trois responsables.

Une année plus tard, le Makhzen a voulu prouver, d'une certaine manière, que le gouvernement espagnol pouvait compter sur lui pour les questions migratoires. Et c'est d'une manière sanglante qu'il le fera.

"Le Maroc n'a mené aucune enquête indépendante et a déclaré que 23 migrants au total étaient morts (lors du massacre de Melilla NDLR).

Plusieurs organisations estiment ce chiffre entre 37 et plus de 100 morts.

Au moins 77 familles ignorent toujours où se trouvent leurs enfants, selon l'Association marocaine des droits humains (AMDH). Elles ne savent même pas s'ils sont vivants ou morts", rappelle la même source.

L'autre erreur commise par les autorités marocaines était de ne pas prendre en considération le fait que la plupart des migrants regroupés ce 24 juin 2022 à la frontière, venaient du Soudan et non de pays subsahariens voisins qui se repliaient habituellement sous la pression des gendarmes marocains. Les Soudanais, eux, n'avaient pas de zone de repli proche.

 Selon le responsable du CNI, les gendarmes marocains sont allés trop loin dans le harcèlement des migrants avant le drame, n'hésitant pas à leur confisquer leur nourriture.

"Les Marocains ont harcelé les migrants pendant des jours, leur retirant le riz dont ils se nourrissaient et l'eau", précise-t-il.

Le fonctionnaire de la Guardia civil confirme, quant à lui, le récit d'un photographe espagnol qui aurait vu un membre des services de sécurité marocains franchir la frontière espagnole pour obliger, à coup de matraque, un migrant à revenir au territoire marocain. Plus loin, d'autres agents ont "lancé une pluie de bombes lacrymogènes" dans des zones fermées transgressant la réglementation internationale en usage. Un excès de zèle et une violence qui expliquent largement que l'irréparable ait été commis ce 24 juin à la frontière entre l'Espagne et le Maroc.

 

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