Interview – Jacob Cohen : «Il n’y aura de révolte ni en France ni au Maroc !» 

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Sep 23, 2024 - 15:15
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Interview – Jacob Cohen : «Il n’y aura de révolte ni en France ni au Maroc !» 

Le penseur Jacob Cohen se dit convaincu que, malgré la situation sociale catastrophique des Marocains étranglés par la misère et l’entorse flagrante à la démocratie en France, ni le peuple marocain ni les citoyens français ne se révolteront contre les régimes en place à Rabat et à Paris. Si, au Maroc, règne une opacité totale dans la façon dont ce royaume à l’agonie est dirigé, en France, la classe politique n’a ni morale ni vision, constate le militant antisioniste. Interview.

Algeriepatriotique : Une seconde vague de migration illégale vers Ceuta, en Espagne, se prépare après la première qui a vu des centaines de jeunes déferler de différentes régions du royaume. Que se passe-t-il exactement au Maroc ?

Jacob Cohen : La situation particulière de Ceuta, colonie espagnole maintenue après l’indépendance du Maroc, cristallise les problèmes du pays et joue du baromètre entre les deux Etats. Je me souviens que dans les années 80, Ceuta servait de marché géant pour tous les produits, de l’alimentaire jusqu’aux téléviseurs, en passant par les pièces détachées, pour compenser les contrôles stricts d’importation. Un marché contrôlé par les autorités qui se servaient à chaque passage. Depuis l’explosion du phénomène migratoire, Ceuta est devenue une des portes menant à l’Eldorado. Et tant que la migration ne connaîtra pas un cadre légal satisfaisant, il y aura toujours des éruptions de violence et des tentatives massives de franchissement. L’Etat marocain utilise aussi cette situation pour faire pression sur l’Espagne et obtenir des compensations contre une politique de «fermeté» empêchant les franchissements.

Des images montrant des jeunes Marocains torse nu assis les mains sur la tête devant des fourgons des forces auxiliaires ont fait le tour de la Toile. Cela signifie-t-il qu’un vent de panique s’est emparé du régime ?

Il faut plus que cela, à mon avis, pour ébranler un régime qui quadrille et contrôle assez étroitement tous les mouvements sociaux et, en particulier, tous les établissements religieux. Cela dit, ce type de manifestations ira en se multipliant et prendra ces formes inédites et spontanées, mais la répression sera d’autant plus accrue et étendue, sans oublier les arrestations préventives.

Les Marocains décrivent une situation intenable. Des appels à des manifestations et à des grèves générales sont relayés à grande échelle sur les réseaux sociaux. Pensez-vous qu’une révolution est en marche au Maroc ?

Je ne crois pas. C’est un thème qui revient régulièrement, vu la pérennité des problèmes économiques et sociaux, et même leur aggravation, ainsi que le décalage grandissant entre riches et pauvres et entre les grands centres urbains et les périphéries ainsi que les campagnes de plus en plus accaparées par des industriels de l’agriculture. Une grève générale est inconcevable au Maroc. Les fonctionnaires n’y participeront pas. Les employés du secteur moderne non plus. Ni les commerçants ni les paysans qui représentent un bon pourcentage de la population. Sans oublier qu’aucune institution politique d’importance n’en fait la promotion. Enfin, la population marocaine, ou si vous voulez la majorité silencieuse, fait face à ses problèmes avec un sentiment de fatalité.

La situation économique ne se porte guère mieux. Le gouvernement Akhannouch applique «discrètement» le très contraignant mais néanmoins obligatoire programme de réajustement structurel imposé par le FMI, vu la dette abyssale du pays. Le Maroc a-t-il les moyens de transcender cette grave crise, selon vous ?

On ne peut pas s’attendre à un grand bouleversement, c’est-à-dire une dégradation soudaine et insupportable, comme il y en a eu en 1965 et en 1981, et qui ont entraîné une forte explosion populaire noyée dans le sang – le pouvoir a tiré la leçon –, mais plutôt à une lente érosion du pouvoir d’achat et des acquis sociaux, qui produira les effets limités que je viens d’évoquer.

Le roi est de plus en plus absent des scènes politique et médiatique. Qui gouverne réellement au Maroc ? Azoulay ? Akhannouch ? Al-Hima ? Le frère du roi ? Son fils ? L’armée ? Les services ? Des cercles occultes ? L’Elysée ? L’ambassadeur d’Israël à Rabat ?

Vous avez bien résumé ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre, mais à ce niveau-là, l’opacité est totale, on ne peut se baser que sur des rumeurs, sans compter celles qui sont diffusées à mauvais escient. Vous auriez pu cependant ajouter l’ambassade des Etats-Unis.

Quel commentaire faites-vous de la situation politique inédite en France ?

La situation politique est certes inédite en France, mais elle reflète, hélas, la perte de souveraineté, la corruption de l’élite politique, la démission des grands corps de l’Etat, la dégradation des services publics – les soins hospitaliers sont indignes d’un pays développé –, etc. Un exemple de cette gabegie : la France a versé, contrainte et forcée, quelque 25 milliards d’euros à l’Ukraine, sur ordre de Bruxelles et de Washington, alors qu’ils auraient été tellement utiles pour le peuple français. Les comptes publics de la France sont catastrophiques. Son endettement abyssal. Il est d’ailleurs à craindre que la France ne subisse le sort de la Grèce, mise au pas par les bureaucrates de l’UE.

Le gouvernement Barnier jugé illégitime pourra-t-il gouverner, selon vous ?

Ce gouvernement est illégitime car il ne reflète absolument pas la volonté exprimée par les électeurs dans trois scrutins. Mais la gauche est aussi responsable car, ayant fait front commun avec Macron pour «faire barrage à l’extrémisme», elle s’est retrouvée exclue de toute fonction politique par la volonté du président. On a assisté à des trahisons et des combinaisons politiques dignes d’une république bananière. Ce gouvernement représente à peine le quart des électeurs. Il est à la merci d’une prochaine motion de censure.

Que peut-il se passer dans les prochaines semaines en France ?

Je ne crois pas à des mouvements populaires capables d’imposer des changements conformes à la volonté des citoyens. Seule une motion de censure peut obliger Macron à nommer un gouvernement reflétant les exigences populaires. Mais comme le Parlement est divisé en trois parties irréconciliables, le pays risque de devenir ingouvernable.

Une destitution du président Macron est-elle possible ? 

Oui en théorie, mais, dans les faits, elle est pratiquement impossible. Seule LFI la soutiendrait jusqu’au bout. Or les partisans de Mélenchon représentent à peine 13 ou 14% des parlementaires. La France Insoumise aurait lancé cette destitution pour faire oublier sa trahison et sa collaboration avec Macron. Une manœuvre de plus de cette classe politique sans morale et sans vision.

Propos recueillis par Karim B.

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