Annaba : Sidi Salem  : Mal vie, pollution et trafics en tous genres

Près de soixante ans après l’indépendance, le quartier côtier de Sidi Salem n’arrive pas à sortir du chaos, malgré les efforts sans cesse consentis par l’État dans tous les domaines. Cette grande cité côtière, qui compte une très forte concentration d’habitants, « incrustés » dans le tissu urbain de la grande agglomération que constitue la commune d’El Bouni, […] The post Annaba : Sidi Salem  : Mal vie, pollution et trafics en tous genres first appeared on L'Est Républicain.

Jul 7, 2024 - 12:30
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Annaba : Sidi Salem  : Mal vie, pollution et trafics en tous genres

Près de soixante ans après l’indépendance, le quartier côtier de Sidi Salem n’arrive pas à sortir du chaos, malgré les efforts sans cesse consentis par l’État dans tous les domaines. Cette grande cité côtière, qui compte une très forte concentration d’habitants, « incrustés » dans le tissu urbain de la grande agglomération que constitue la commune d’El Bouni, demeure l’un des cas les plus édifiants dans la wilaya d’Annaba, que certains nostalgiques continuent de l’appeler la Coquette. 

Mal vie, pollution, trafic d’humains, de drogue et de corail, outre une violence urbaine outrageante. La liste est encore longue, un peu trop même pour une si belle cité, implantée aux abords d’une des meilleures plages dont dispose la wilaya. Aujourd’hui, beaucoup reste à faire pour la sortir du chaos, tant les stigmates qui persistent sont profonds dans cette cité, provoquant un dysfonctionnement au sein de la société, car générant de nombreux dérapages et nuisances aux populations. Ce quartier populaire mérite un meilleur sort.

La Section Administrative Spéciale indéboulonnable

À commencer par l’ex-centre d’hébergement, conçu en préfabriqué par le corps expéditionnaire français, dans le cadre de « l’humanisation » de ses politiques coloniales, notamment celle de la terre brulée et celle de « pacification », à travers ses fameuses Section Administrative Spéciale, communément abrégée sous le sinistre acronyme « SAS » et dont la date de son éradication totale reste toujours une énigme. Implanté par les SAS de l’armée d’occupation française, le ghetto de Sidi Salem servait de cité d’habitations pour les supplétifs de l’armée française et certaines populations déportées. Les racines de ce « champignon » ont fait ressurgir un bidonville, dont les habitants avaient été, le moins que l’on puisse dire, « gâtés » à chaque opération de relogement. Mais tel le phénix, la SAS renait de ses cendres, à tel point que nous assistons à « la damnation de Sisyphe ». Depuis 2016, des quotas spéciaux, dépassant les 5.000 unités, ont été attribués au profit des habitants de la SAS, avec pour principal objectif de « raser définitivement raser la dernière cité des fameuses SAS ». Cependant et contre toute attente, des habitats précaires ont été nouvellement érigés, entre la caserne de la Protection civile près de l’ancienne mosquée et le nouveau parc, un genre de place similaire au Cours de la révolution, aménagé par l’Assemblée Populaire Communale (APC). Ces nombreuses bâtisses font également face à la mer et offrent un spectacle de précarité totale. Certaines d’entre elles ont été bâties récemment, car les briques sont encore bien rouges et n’ont pas l’air d’avoir subi l’usure du temps qui passe. Mieux encore, la plupart se sont greffées sur l’ancien site de maisons démolies lors du recasement des habitants de l’ancienne SAS. Depuis sa création, la zone d’habitations de Sidi Salem a constitué un véritable coupe-gorge et un foyer de tension sociale permanente. La « Assabiya » mal déplacée est présente, par gravitation au niveau d’un passage, d’un pâté de baraquements, d’un îlot de masures construites de bric et de broc, où viennent se greffer toutes sortes d’agrégats, soit un puzzle de briques, de parpaings, de tôles galvanisées et d’un mélange de poutres et de restes abandonnés dans les chantiers de construction, disséminés à travers la région. Les stigmates de « la cité de la SAS » ne seront effacés qu’une fois l’éradication totale de ce bidonville effectuée. Implantée le long de la plage de Sidi-Salem, elle a longtemps joué le rôle de « port » pour les passeurs de harraga. Les gangs de quartiers qui y sèment le trouble et les émeutes qui éclatent à toute heure de la journée ou de la nuit et les barricades, soit un amas de pneus usagés qui s’embrasent, bloquent toute activité à proximité de cette poche d’habitation, la transformant en un véritable camp retranché. Un miasme qui bout au sein de la cité de la SAS, dont les stigmates, conséquences des séquelles de la période coloniale, des vexations, de l’oppression et de la répression, persistent et se sont avérés contagieux, touchant d’autres zones et bidonvilles, où l’on assiste de nos jours, pratiquement quotidiennement, à des bagarres rangées entres clans.  

Un mal qui s’appelle la pollution

En plus, cette cité urbaine est située aux abords de l’embouchure de l’Oued Seybouse, où se déversent d’importantes quantités de déchets toxiques, qui ont transformé cette zone en véritable dépotoir. Ladite embouchure représente un véritable catalyseur de déchets de toutes sortes. Nous sommes en présence d’un conglomérat de liquides visqueux et vaseux, renfermant des vecteurs de maladies infectieuses. Mais là où le bât blesse, c’est le fait de voir toute une population de jeunes s’agglutiner le long du rivage pour s’activer à la récupération de tout ce qui est susceptible de faire l’objet de marchandage. Les eaux de l’Oued Seybouse, qui finissent de couler dans la mer sans être épurées, prennent naissance à partir des hautes plaines d’Aïn Beida, avant de se jeter dans la mer méditerranée. L’Oued enregistre d’importants débits de rejets polluants de toutes sortes (urbains, industriels, etc.), particulièrement du côté de Guelma — Annaba, du fait d’une industrialisation importante (cycles, céramique, carrelage, levurière, lait et métallurgie). Le bassin de la Seybouse est ainsi confronté chaque jour à plusieurs polluants industriels et urbains, émanant des différentes villes (68 communes de sept wilayas) et usines (quelque 250), situées sur ses deux rives. La pollution est arrivée à un degré si élevé qu’elle annonce une catastrophe écologique imminente. Dans ce contexte, l’on révèle que « sur environ les dix millions de mètres cubes de polluants industrielles rejetés quotidiennement dans cette rivière, plus de trois millions sont des huiles usées ».

Plaque tournante du trafic de corail

Sidi Salem est également réputé pour avoir abrité des ateliers clandestins de fabrication de barques artisanales, utilisées pour faire passer illégalement les harraga en Europe et fabriquées à partir d’un matériau qui s’avère lui aussi d’origine douteuse, en plus d’embarquer plus de passagers que leurs capacités initiales, avec une trentaine de personnes qui s’y entassent. Le quartier populaire demeure aussi la plaque tournante incontestable du trafic du corail. En effet, au niveau de cette partie de la côte Annabie, longue de 80 kilomètres, la pêche illicite du corail est devenue monnaie courante et attire même des trafiquants étrangers, reconnaissent des marins-pêcheurs. Depuis plus de deux décennies, l’environnement sous-marin, plus particulièrement celui d’Annaba et d’El Tarf, est frappé de plein fouet par des pratiques néfastes et pernicieuses, qui causent des effets irréversibles sur l’ensemble du fond maritime du pays. La côte de Sidi-Salem, au même titre que celle de la commune d’Echatt (El Tarf), riches par leurs jardins sous-marins de corail, se trouvent aujourd’hui dévastées par des « huns », dont les tentacules ont une emprise sur des territoires qui dépassent souvent nos frontières, y causant des ravages aux conséquences désastreuses pour le patrimoine corallien. C’est au moyen d’un labourage systématique que le corail est ramassé. Les trafiquants ratissent larges, en déracinant au moyen de « griffes » les pousses de corail. À qui incombe la faute ? Qui est responsable de ce massacre ? Cette agression contre la nature ne doit-elle pas cesser ? Les services investis de la mission de veiller à la sauvegarde de notre patrimoine sous-marin sont-ils dotés des outils adéquats pour mettre un terme définitif à cette spoliation ? Autant de questions qui n’exigent, en fait, qu’une seule réponse : un traitement radical à ce mal, à savoir amputer ce monstre qu’est devenu la mafia du corail de ses tentacules véritables, les « pompes aspirantes ».  

Harraga au secours des narcotrafiquants

Outre les narcotrafiquants, qui ont trouvé leur compte à la façade maritime de l’Est depuis l’avènement du terrorisme et en raison aussi de plusieurs autres paramètres, et depuis la découverte des nouvelles routes d’immigration clandestine (Annaba — Sardaigne), ce plan d’eau n’attire pas seulement les jeunes à la recherche de l’Eldorado, mais aussi des malfrats objets de mandats d’arrêt et surtout des terroristes à la recherche d’une virginité outre-mer. Les trafiquants de drogue, qui de l’avis des services concernés, notamment la Douane algérienne, ont opté ces dernières années pour la voie maritime de l’extrême nord-est pour l’écoulement de leurs marchandises, contrairement au passé, ou les quantités de drogue en provenance du plus grand pourvoyeur du monde en la matière, à savoir le Maroc, transitaient généralement par route, à bord de camions poids lourds. Constituée d’une multitude d’îlots, de criques et de plages d’échouage difficilement contrôlables, cette façade maritime présente un double avantage pour les gros bonnets de la drogue, estiment des observateurs bien informés. En effet, elle est à la fois difficile à surveiller et proche de la frontière tunisienne, surtout lorsque l’on sait que les trafiquants ne manquent pas de moyens. Ils utilisent à la fois des frégates aux moteurs surpuissants et des appareils de navigation par satellite. Le littoral extrême est du pays, principalement celui d’Annaba, est ainsi devenu une plaque tournante du trafic de cocaïne, dont les plans et les stratégies de cheminement ont aussi changé. Le phénomène des Harraga est en pleine expansion depuis deux décennies déjà et est venu au « secours » des narcotrafiquants, qui en ramenant leur marchandise d’Amérique latine, transitent par les côtes d’Annaba, avant de l’acheminer en Tunisie, exactement à la ville de Kélibia. Cette dernière, très proche de la Sicile, est connue pour être le lieu de prédilection des Harraga africains. Selon la presse européenne, c’est la mafia italienne qui gère d’une main de maître le réseau de passeurs chargé du transport de la « poudre blanche » de l’Algérie vers l’Europe, à partir du littoral d’Annaba et principalement de la plage d’échouage de Sidi Salem, nommée par la force des choses : « le port international des Harraga ».

 

B. Salah-Eddine

 

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