Les algériens pénalisés par la hausse des prix: Les touristes indésirables en Espagne

L’été en Espagne, dans de nombreuses rues des villes, le bruit des roulettes de valises remplace le vrombissement des voitures. Les manifestations se succèdent en Espagne contre les estivants étrangers au point où des touristes se sont attaqués au pistolet à eau sur les terrasses des restaurants à Barcelone par des habitants excédés.

Sur la Rambla, l’une des rues les plus touristiques et emblématiques de la capitale catalane, près de 3000 personnes ont défilé samedi à l’appel de plus d’une centaine d’associations de quartier. « Peu importe où l’on regarde, il n’y a que des touristes », scandait une foule au bord de la crise de nerfs.

Région la plus visitée d’Espagne, la Catalogne a accueilli l’an passé 18 millions de vacanciers. En tout, ce sont plus de 85 millions de touristes qui ont afflué en 2023 de ce côté-ci des Pyrénées. Au pays de Cervantes, le secteur représente 12,8 % du PIB et 12,6 % des emplois.

« Les propriétaires de logements ont une activité spéculative au détriment des vies, des personnes et de la ville », indique Daniel Pardo, membre de l’assemblée des quartiers pour la décroissance touristique à Barcelone, où l’ensemble de la ville est concerné par le phénomène de surtourisme. « Le droit au logement est un droit fondamental inscrit dans toutes les chartes, y compris celle des droits de l’homme. » L’Espagne, victime de son succès ? La colère gronde dans les grands lieux touristiques : au-delà de la Catalogne, les Îles Baléares, les Canaries et les grandes cités andalouses n’en peuvent plus.

Par ailleurs, Les Barcelonais ont de plus en plus de mal à rivaliser avec le pouvoir d’achat des touristes ou de ce qu’on appelle les « nomades digitaux », ces étrangers qui s’installent quelques mois en télétravail en Espagne et font flamber les prix.
Le prix des loyers augmenté de 68 % en dix ans et le prix au mètre carré s’élève à plus de 4 500 euros, l’un des plus chers en Europe.

«Il n’y a pas de régulation», déplore Daniel Pardo, qui affirme que des habitants sont délogés et que «chacun d’entre nous qui vivons dans ces quartiers souffre à un degré ou à un autre de la violence touristique». Gonzalo Fuentes, chargé de la question du tourisme au Syndicat de la commission ouvrière (CCOO), nuance en affirmant qu’«il n’y a pas de tourismophobie». Il rappelle que «l’Espagne est un pays habitué à accueillir le monde depuis plus de 60 ans. Le problème réside simplement dans le logement pour les habitants sur place. Il faut rétablir le dialogue. Il n’y a pas de régulation».

Les algériens pénalisés
Les algériens qui font de l’Espagne une destination idéale pour leurs vacances se trouvèrent confrontés eux à la hausse des prix d’hébergement dans les hôtels ou sur la plateforme Airbnb. « Les chambres d’hôtels à Barcelone, proche du quartier gothique ou plaça d’el Espana sont hors de prix soit pas moins de 170 euros la nuitée en été », a affirmé au Jeune Indépendant, Hamida, 59 ans, venue avec son mari visiter la capitale catalane.

« Avant le Corona, on pouvait aisément avec un budget de 1500 euros passer 15 jours, aujourd’hui ce budget ne couvre même pas les frais d’une semaine dans un hôtel décent », a-t-elle ajouté en expliquant qu’elle refuse les formules AirBnb qui obligent, en général, le locataire de séjourner avec le propriétaire.

Du coup, de nombreux algériens évitent la capitale catalane et privilégient Alicante ou l’Andalousie. Mais ce n’est pas le cas des étudiants algériens installés à Barcelone. Nombreux se retrouvent contraints de subir le diktat du marché que ce soit pour la colocation ou pour louer un petit studio. « Il faut vraiment chercher dans les quartiers loin du centre-ville ou populaire à forte immigration pour tomber sur un studio à un prix raisonnable mais au confort modeste », a indiqué Salim, étudiant depuis deux ans à Barcelone.

Conscient du problème, le gouvernement central espagnol prépare une loi pour limiter les logements touristiques. «
Majorque, la plus grande des îles Baléares, a été aussi le théâtre de plusieurs rassemblements contre le tourisme, des habitants qui estiment que leur avenir est menacé. Le mouvement de protestation contre le tourisme de masse s’amplifie dans les îles Baléares.

« En une journée, jusqu’à un million de personnes viennent ici ! C’est insupportable », s’indigne Maria, une jeune manifestante. « Ils effacent notre identité et nous poussent dehors, parce qu’ils ont tout acheté ! Ils disent que Majorque vit du tourisme ? Non, c’est le tourisme qui vit de nous, et il est en train de nous tuer ! »
Majorque, la plus grande île de l’archipel, abrite un peu moins d’un million d’habitants. Cette année, elle s’attend à accueillir environ 20 millions de visiteurs, un record absolu, ce qui représente une manne économique.

Les formules « all inclusive » des grandes chaînes hôtelières, ou les compagnies de croisières dont les navires géants accostent chaque jour dans le port de Palma de Majorque, la capitale, ont même l’effet inverse sur une partie du commerce local. Dimanche, Palma de Majorque a accueilli une importante manifestation contre le tourisme de masse, rassemblant près de 10.000 personnes, selon les autorités.

Les manifestants, munis de maquettes d’avions et de navires de croisière, ont défilé dans les rues de la capitale baléare en brandissant des pancartes où l’on pouvait lire « Non au tourisme de masse » et « Halte aux jets privés ». De notre correspondante Majda Khellaf

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