Obéir ou désobéir, telle est la question

L’ordre donné vendredi par la Cour Internationale de Justice à Israël d’arrêter sur-le-champ non seulement son offensive dans Rafah mais toute opération dans Rafah, et dans le même temps d’ouvrir tous les passages terrestres devant l’entrée de l’aide humanitaire, a été bien accueilli par le Hamas, qui cependant a regretté qu’il ne concerne que cette […]

Mai 25, 2024 - 23:40
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Obéir  ou désobéir, telle est la question

L’ordre donné vendredi par la Cour Internationale de Justice à Israël d’arrêter sur-le-champ non seulement son offensive dans Rafah mais toute opération dans Rafah, et dans le même temps d’ouvrir tous les passages terrestres devant l’entrée de l’aide humanitaire, a été bien accueilli par le Hamas, qui cependant a regretté qu’il ne concerne que cette partie de Ghaza et non pas toute celle-ci. Il en est évidemment tout autrement d’Israël dont le Premier ministre a dit tout le mal qu’il pensait non pas d’ailleurs du jugement lui-même ni de la Cour, laissant ce soin à Ben-Gvir et Smotrich, mais de la plainte de l’Afrique du Sud, qu’il a fustigée en des termes poussés à l’extrême, ce qui en dit long sur sa propre frustration. Israël a plus que jamais le choix entre obéir ou désobéir, chacun de ces choix entraînant des conséquences incalculables pour lui. S’il n’y obtempère pas, et poursuit son opération sur Rafah, qu’il vient comme par hasard de bombarder avec une intensité redoublée, il risque de s’isoler davantage dans le monde, et même à la fin de voir les Etats-Unis, qui après tout eux aussi sont opposés à une opération à Rafah, joindre leur voix à celle de la CIJ.

Les Etats-Unis sont certes en mesure de lui conserver leur soutien pendant un certain temps envers et contre le monde entier, ce que du reste ils font depuis un certain nombre de mois déjà, mais ils ne pourront pas rester sur cette ligne un temps indéfini. Il viendra nécessairement un moment où ils perdront patience, à plus forte raison s’ils le voient s’obstiner dans une voie sans issue. Un arrêt de la CIJ dans le principe a force de loi par lui-même. Il n’a besoin de rien d’autre pour produire son effet. Il se trouve qu’Israël a pour habitude de passer outre le droit international. Il voudra bien sûr réserver le même sort à l’ordre que vient de lui donner la CIJ. De sorte que pour l’amener à obéir, il faudra passer par un vote au Conseil de sécurité, qui lui a les moyens de la contrainte. Bien entendu, il compte sur le veto américain pour une fois de plus n’en faire qu’à sa tête. Son calcul peut se révéler juste. Mais il peut en l’espèce se révéler faux. Car que veut en définitive la CIJ ? Lui faire abandonner son projet de mener une opération à Rafah, en raison de son coût humain fort élevé. Or n’est-ce pas là ce que lui demandent les Etats-Unis depuis que cette opération est à l’ordre du jour ? Il est donc tout à fait possible que les Etats-Unis, comme cela leur est déjà arrivé, de ne pas opposer leur veto à une résolution lui faisant obligation de cesser toute opération à Rafah, soit par un vote positif soit par une abstention. Il serait même étonnant qu’ils recourent à leur droit de veto contre eux-mêmes, étant donné qu’en la matière ils sont en phase non pas avec lui mais avec la CIJ, avec la légalité internationale autrement dit. Ils seraient la risée du monde si le moment venu ils votaient pour qu’il puisse mener à son terme une opération qu’ils désapprouvent eux-mêmes. En bonne logique donc les Etats-Unis ne se serviront pas en l’occurrence de leur veto. Le hic, c’est qu’il n’y a pas que la logique pour les régenter. Il y a aussi les considérations de politique interne, qui elles les pousseraient plutôt en sens contraire. Si l’administration Biden était certaine qu’en agissant de façon à être cohérente avec elle-même elle gagnait des voix, ou à tout le moins n’en perdait pas, dans la perspective de la présidentielle de novembre prochain, elle laisserait passer la résolution appuyant l’arrêt de la CIJ. Relevons qu’elle n’a pas rejeté celui-ci comme elle a récusé par avance des mandats d’arrêt susceptibles d’être émis contre des dirigeants israéliens.

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