Microprocesseurs : le Chips Act européen ne sera pas réalisé selon la cour des comptes européenne

Ce n'est pas une surprise : le chip act européen connaît une réalisation partielle et l'objectif de 20 % du marché mondial ne sera pas atteint. «L’Europe doit d’urgence confronter sa stratégie pour le secteur des microprocesseurs à la réalité du terrain», a déclaré Annemie Turtelboom, la Membre de la Cour responsable de l’audit. «Nous avons affaire ici à une industrie en rapide évolution, marquée par une concurrence féroce sur le plan géopolitique. Et au rythme actuel, nous ne pourrons certainement pas concrétiser nos ambitions. L’objectif de 20 % relève du vœu pieux: pour l’atteindre, il nous faudrait multiplier quasiment par quatre notre capacité de production dans les cinq prochaines années. Autant le dire, nous sommes à la traîne. L’Europe doit pouvoir rivaliser, mais pour ce faire, la Commission européenne doit d’abord revoir sa stratégie à long terme pour mieux coller à la réalité du marché.»L'ambition de peser 20 % du marché des processeurs d'ici 2030 était dès le départ une illusion. L'Europe part de très loin et surtout, elle manque de fondeurs capables de rivaliser avec Intel, TSMC, Samsung, etc. Nous avons des fabricants actifs dans certains secteurs industriels comme l'automobile mais pas sur les CPU et GPU. Nous avions pointé du doigt le manque d'investissement : à peine 5 milliards € sur les 86 milliards qu'ils auraient fallu investir en Europe. Bref, l'Europe mobilsait trop peu pour espérer peser. Le chip act misait donc les Etats et les industrueils pour investir le reste. La cour des comptes européenne pointe la cruelle réalité : sur la même période, les géants du semi-conducteur annonçaient des investissements colossaux : 405 milliards € !Une forme de naïveté apparaît dans le rapport de la cour des comptes : "Cela étant, comme les auditeurs le soulignent, la Commission européenne n’a pas de mandat pour coordonner les investissements nationaux et ainsi les aligner sur les objectifs de l’action européenne. Par ailleurs, le Chips Act manque de clarté dans ses objectifs et son suivi, de sorte qu’il est difficile de savoir s’il tient dûment compte de la demande actuelle de microprocesseurs conventionnels dans l’industrie."Et c'est là un des problèmes. L'Europe brandit une forte ambition mais laisse la réalisation aux Etats et aux industriels sans vouloir peser réellement sur une stratégie globale pour développer une vraie industrie du processeur. Outre ce problème, le sous-investissement et le manque d'actions de la plupart des Etats, la cour des comptes pointe plusieurs problèmes (largement sous-estimés ou tout simplement "oubliés") :- l'accès aux terres rares- la situation géopolitique et les tensions commerciales (ex. : les restrictions de vente imposées par les Etats-Unis)- le coût énergétique- le manque de main d'oeuvre (hautement) qualifié- le manque de leaders de taille internationale"Tout abandon, retard ou échec d’un seul projet peut dès lors avoir un impact considérable sur l’ensemble du secteur." complète le rapport.En 2030, la cour des comptes estime que l'Europe devrait peser 11,7 % du marché mondial, contre 9,8 % en 2022. Le gain est donc très limité.Rappelons qu'une usine de semi-conducteurs de dernière génération coûte jusqu'à 5 milliards $. ASML, fleuron de l'industrie européenne, est incontournable pour créer les matrices des semi-conducteurs de dernière génération. Une seule machine ASML coûte environ 350 millions $ (prix catalogue, sans la maintenance et les évolutions). L'Europe manque d'usines pouvant rivaliser avec les fondeurs mondiaux.Catégorie actualité: Actualitéscomposant, ASML, EuropeImage actualité AMP: 

Avr 30, 2025 - 07:37
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Microprocesseurs : le Chips Act européen ne sera pas réalisé selon la cour des comptes européenne

Ce n'est pas une surprise : le chip act européen connaît une réalisation partielle et l'objectif de 20 % du marché mondial ne sera pas atteint. «L’Europe doit d’urgence confronter sa stratégie pour le secteur des microprocesseurs à la réalité du terrain», a déclaré Annemie Turtelboom, la Membre de la Cour responsable de l’audit. «Nous avons affaire ici à une industrie en rapide évolution, marquée par une concurrence féroce sur le plan géopolitique. Et au rythme actuel, nous ne pourrons certainement pas concrétiser nos ambitions. L’objectif de 20 % relève du vœu pieux: pour l’atteindre, il nous faudrait multiplier quasiment par quatre notre capacité de production dans les cinq prochaines années. Autant le dire, nous sommes à la traîne. L’Europe doit pouvoir rivaliser, mais pour ce faire, la Commission européenne doit d’abord revoir sa stratégie à long terme pour mieux coller à la réalité du marché.»

L'ambition de peser 20 % du marché des processeurs d'ici 2030 était dès le départ une illusion. L'Europe part de très loin et surtout, elle manque de fondeurs capables de rivaliser avec Intel, TSMC, Samsung, etc. Nous avons des fabricants actifs dans certains secteurs industriels comme l'automobile mais pas sur les CPU et GPU. 

Nous avions pointé du doigt le manque d'investissement : à peine 5 milliards € sur les 86 milliards qu'ils auraient fallu investir en Europe. Bref, l'Europe mobilsait trop peu pour espérer peser. Le chip act misait donc les Etats et les industrueils pour investir le reste. La cour des comptes européenne pointe la cruelle réalité : sur la même période, les géants du semi-conducteur annonçaient des investissements colossaux : 405 milliards € !

Une forme de naïveté apparaît dans le rapport de la cour des comptes : "Cela étant, comme les auditeurs le soulignent, la Commission européenne n’a pas de mandat pour coordonner les investissements nationaux et ainsi les aligner sur les objectifs de l’action européenne. Par ailleurs, le Chips Act manque de clarté dans ses objectifs et son suivi, de sorte qu’il est difficile de savoir s’il tient dûment compte de la demande actuelle de microprocesseurs conventionnels dans l’industrie."

Et c'est là un des problèmes. L'Europe brandit une forte ambition mais laisse la réalisation aux Etats et aux industriels sans vouloir peser réellement sur une stratégie globale pour développer une vraie industrie du processeur. 

Outre ce problème, le sous-investissement et le manque d'actions de la plupart des Etats, la cour des comptes pointe plusieurs problèmes (largement sous-estimés ou tout simplement "oubliés") :

- l'accès aux terres rares

- la situation géopolitique et les tensions commerciales (ex. : les restrictions de vente imposées par les Etats-Unis)

- le coût énergétique

- le manque de main d'oeuvre (hautement) qualifié

- le manque de leaders de taille internationale

"Tout abandon, retard ou échec d’un seul projet peut dès lors avoir un impact considérable sur l’ensemble du secteur." complète le rapport.

En 2030, la cour des comptes estime que l'Europe devrait peser 11,7 % du marché mondial, contre 9,8 % en 2022. Le gain est donc très limité.

Rappelons qu'une usine de semi-conducteurs de dernière génération coûte jusqu'à 5 milliards $. ASML, fleuron de l'industrie européenne, est incontournable pour créer les matrices des semi-conducteurs de dernière génération. Une seule machine ASML coûte environ 350 millions $ (prix catalogue, sans la maintenance et les évolutions). L'Europe manque d'usines pouvant rivaliser avec les fondeurs mondiaux.

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